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Cluster 14 | E.R.S.T.U.

Enjeux et Représentations de la Science, de la Technologie et de leurs Usages.

Economie et biologie. Histoires et dynamiques actuelles d’une mise en rapport.

Opération de recherche

Responsable(s) : Michel Bellet

Les objectifs, l’originalité de l’opération prévue, la problématique, les méthodologies employées et les modalités d’accès aux terrains, le programme des travaux et ses différentes phases, la bibliographie et l’état de l’art, les modalités de valorisation des connaissances doivent être présentées. Les modalités de mise en œuvre de l’interdisciplinarité éventuelle et des diverses collaborations doivent être précisées et justifiées en accord avec l’orientation du projet. Les modalités de coordination et de travail en commun des différents partenaires doivent être décrites.

La capacité de l’équipe doit être attestée par la qualification et les productions scientifiques antérieures de ses membres. Les moyens demandés doivent être justifié au regard des objectifs scientifiques du projet et du programme des travaux. (Arial 11, simple interligne)

B-1 - Objectifs, contexte, problématique, originalité : (en particulier, préciser dans quel projet [axe] du cluster se situera l’opération de recherche et le lien éventuel avec d’autres opérations de recherche ; souligner les liens éventuels avec les problématiques d’autres clusters de recherche) 1. Objectifs Le projet consiste à travailler sur les rapports entre deux disciplines scientifiques : l’économie et la biologie. Ces rapports ont été soutenus, mais avec de grandes inégalités selon les périodes, tout en étant réactivés dans la dernière période : ils constituent un objet approprié pour examiner le statut des analogies entre discipline, et il peut être complémentaire de l’examen d’autres types de rapports centrés sur la biologie (biologie et physique par exemple, cf. S. Franceschelli, au sein de l’axe 1 du cluster). Ces rapports ont été historiquement entachés par la réputation du social darwinisme, ce qui a occulté une partie des aspects décisifs et importants des problèmes posés, ainsi que la compréhension de la dynamique actuelle, dont témoignent en particulier les revues suivantes : Journal of History of Biology, Journal of Evolutionary Economics, Economics and Philosophy, Journal of Bioeconomics, Biology and Philosophy, Journal of Social and Evolutionary Systems, Journal of Theoretical Biology , Evolution and Human Behavior, ...) mais aussi des revues plus généralistes (par exemple Revue d’Histoire des Sciences Humaines). Il faut donc se réapproprier le rapport entre les deux disciplines sur des bases nouvelles, avec l’aide d’économistes et de biologistes, mais aussi de philosophes et de spécialistes des systèmes complexes (informaticiens par exemple).

2. Contexte

Si on ne s’attarde pas sur l’épisode initial désastreux du darwinisme social (bien étudié en sociologie, mais avec des références en économie significatives à introduire à la fin du XIXème et au début du XXème -Revue d’Economie Politique notamment-, sur une filiation spencerienne), des éléments majeurs sont à prendre en compte, ici cités à titre d’exemples, et révélateurs de la mosaïque des rapports entre les deux disciplines :

-  le rapport complexe et non univoque entre Darwin et la pensée sociale et économique : on sait bien que Darwin a été inspiré par Malthus, mais on sait moins qu’il a été inspiré par Hume. Les emprunts entre les deux domaines scientifiques vont donc dans les deux sens. Le contenu exact de cette double liaison continue cependant de faire problème (Winch 2001, Bellet 2005, Pélissier&Marciano 2005).
-  La défense d’une métaphore biologique au détriment d’une métaphore mécanique chez certains grands auteurs économiques (Marshall, mais aussi Veblen en 1898)
-  Le développement de la notion d’évolution en économie (Schumpeter en particulier, 1911)
-  La tentative de sauver la théorie microéconomique de la firme dans les années 1950 en invoquant une dynamique de concurrence au niveau de l’industrie permettant de contourner l’hypothèse de maximisation de la firme : la firme n’a pas besoin de maximiser pour survivre ; la sélection par la concurrence au niveau plus large de l’industrie fait comme si ce comportement individuel existait... (débat Alchian, Penrose... dans les années 50).
-  Le développement des approches en termes de sélection culturelle (Hayek, des années 1950 à 1980).
-  La définition explicite d’un projet d’ « économie évolutionniste », principalement à partir de l’ouvrage de Nelson et Winter (1982), mais aussi de Hodgson et d’autres... présenté comme un projet hétérodoxe en économie.
-  Le maintien de divers courants d’interprétation économique à fondements clairement biologiques : Hirshleifer depuis 1977 à partir des travaux des biologistes Trivers et Wilson ; Robson 2001, Bergstrom 1999..., l’organisation toute récente d’une « neuroeconomics » (Camerer, Loewenstein, Prelec, 2005, et numéro spécial de Games and Economic Behavior d’août 2005), en passant par la constitution fin 1990 de l’équivoque International Society for History, Philosophy, and Social Studies of Biology (ISHPSSB).
-  Le développement récent de la théorie des jeux évolutionnaires en économie, à partir de modèles appliqués initialement en biologie (Maynard Smith, Price 1973 et ensuite), mais après une importation et une réinterprétation de la théorie classique des jeux au sein de la biologie (Pélissier, 2005) et l’utilisation large de la technique du « réplicateur.

3. Compétences du CREUSET (équipe FRE-CNRS) et collaboration en France : Une des spécialisations internationales du centre est la théorie des jeux, dans son utilisation en contexte adaptatif (théorie des jeux évolutionnaires au sens large). Une autre, transversale, est la philosophie économique et l’histoire de l’analyse économique. Le CREUSET a débuté depuis fin 2004 un travail sur les rapports entre biologie et économie : il entretient des liens :
-  avec l’INSA Lyon (séminaires notamment) : les liens avec l’axe 4 du cluster 14 (J. Forest notamment sur les interfaces) sont nets.
-  Il a un accord pour la participation de l’Institut des Systèmes Complexes Rhône-Alpes (dir. M. Morvan), avec l’implication d’informaticiens, de mathématiciens et de biologistes intéressés par le programme, notamment V.Volpert (Lyon 1) et P..Lescanne (ENS).
-  Il y une participation déjà expérimentée avec un centre de recherche de la Région PACA : le GREQAM (CNRS, Aix-Marseille 3, unité de philosophie économique). Le CREUSET a organisé avec ce dernier quatre journées d’études sur le thème. De nouveaux contacts sont prévus en 2006-7 : P. Tort (Institut Charles Darwin International) , J. Gayon (Paris 1, IHPST), A. Fagot-Largeault (Académie des Sciences, IHPST) en philosophie.
-  Liens privilégiés à développer : avec Lyon 1 (Modélisation mathématique de la biologie) et l’ENS par le bais de l’Institut des Systèmes Complexes Rhône-Alpes
-  Liens possibles : Recherche en Maths-Bio au DMA (Département Mathématiques et Applications, ENS Ulm ) : Mathematics for Biosciences, ou UPMC (Paris 6).
-  Liens à instituer, concernant la culture scientifique et technique : « Diffusion des savoirs de l’ENS » : Groupe de travail mathématiques et biologie ; et en Rhône-Alpes les CCSTI et La Rotonde (Ecole des Mines de St-Etienne).

Travaux sur le thème CREUSET

Pélissier M., 2006, Essai de typologie sur les métaphores évolutionnistes en économie,Coll « Acta Stoica », éd Petra, Paris. A paraître. Pélissier M., 2004,Compte rendu de l’ouvrage de G.M. Hodgson, Reconstructing Institutional Economics, Evolution, Agency and Structure in American Institutionalism, Revue de Philosophie Economique, n°8, déc. Pélissier M., 2003, La théorie de l’évolution culturelle hayékienne à la lumière de la Descendance de l’Homme, Economie et Société, n°33, série PE, nov-déc. Pélissier M., 2002, La portée des analogies biologiques chez Alfred Marshall, Cahiers d’Economie Politique, n°42, Juin. Pélissier M., 2002, Colloque annuel de l’European Association of Evolutionary political economy (EAEPE), Aix-en-Provence, 7-10 novembre 2002, Game theory and the metaphor of evolution. Pélissier M., 2002, 7th Young Economists Conference, ParisI-Sorbonne, 18-19 avril 2002, The Emergence of Social Cooperation from An Evolutionary viewpoint. Solal P.,1999, Métaphores, analogies et comportements : la position d’E. Penrose, Economies et Sociétés, Oeconomia, 29(8).

Initiatives menées : Communications et séminaires CREUSET/GREQAM (projet de publication après introduction de papiers de biologistes et de philosophes) depuis 2005 et poursuivis en 2006 dans le cadre du cluster ERSTU :
- Durieu J, Solal P. ,(2005), La théorie des jeux évolutionnistes : aspects méthodologiques (CREUSET)
- Pélissier M., 2005, Retour sur les fondements de la théorie des jeux évolutionnistes (CREUSET).
- Bellet M., 2005, Un retour sur l’histoire des rapports entre biologie et économie : Hume et les animaux (CREUSET).
- Magnan de Bornier J., 2005, Même et évolution culturelle (GREQAM).
- Marciano A. , 2005, Economists on Darwin’s theory of social evolution (GREQAM).
- Levallois C., 2005, Uncertainty, evolution and economic theory (Alchian, 1950).Les origines méconnues d’un article fondateur de l’économie contemporaine (TRIANGLE-ENS).
- participation à la conférence de J. Vromen, mars 2006, sur la « neuro-economics »
- Bellet M. et Pélissier M, (2006) Economie et biologie : histoire et enjeux actuels, séminaire du cluster ERSTU, 19 septembre, St-Etienne
- Varenne F. (philosophie, Université de Rouen) , 2006, Objets composites et simulation : biologie, écologie, sciences de la conception et expérimentation virtuelle, séminaire du cluster ERSTU, 19 septembre.

En janvier 2007 :
- Séminaire avec communication de Franck Delaplace (Professeur de biologie, Evry Val d’Essone, génopole), spécialiste de système Complexe - Théorie des jeux, bioinformatique, analyse des réseaux biologiques, simulation de processus cellulaires, et annotation et prédiction de gènes, séminaire du cluster ERSTU, organisé à l’ISC Lyon ENS/ CREUSET-GREQAM.

B-2 - Description du projet et résultats attendus : Les trois questions posées sont les suivantes :

-  quelles sont les bases actuelles d’une interaction entre les deux disciplines ? s’agit-il d’une simple convergence fondée sur l’utilisation d’outils propres au traitement des systèmes complexes (systèmes dynamiques, avec propriétés émergentes), sans analogie substantielle (hypothèse dite de continuité, Witt, Cordes 2004) : la question de la mathématisation des sciences sociales se pose alors (Cf. lien entre ce programme et le séminaire « mathématisation » du cluster 14). Ou bien, plus profondément, peut-on défendre la thèse d’un « darwinisme universel » (Dawkins 1983, Hodgson, 2002 ; Knudsen & Hodgson 2005) appuyé sur une conception générale, « ontologique », de l’évolution, à la fois biologique et culturelle, par-delà la reconnaissance incontestée des spécificités des relations économico-sociales ? Est-on alors à la veille d’un redécoupage disciplinaire effectif ? Les développements récents de la « neuro-economics » sont-ils un phénomène passager illustrant les risques d’un retour vers la biologie sociale, ou un phénomène plus fondamental ?

-  Qu’entend-on par fondements évolutionnistes de notions telles que « selfish », « altruism », « fairness », « fairplay », « egoism », « sympathy », « conflict-coopération », « bounded rationality » ? cette question est importante en biologie, en économie et en philosophie. Ce qui est en jeu en effet, c’est l’émergence d’une théorie évolutionniste de la connaissance, de la morale et des normes sociales, à partir d’une conception de l’humain ayant les capacités cognitives d’un agent intentionnel. ». A cet égard, on peut se demander si l’adaptation de la théorie des jeux évolutionnaires aux comportements sociaux (Kandori, Mailath, Rob 1993 ; Samuelson 1997 ; plus largement P. Young 1998), avec l’hypothèse de rationalité adaptative en économie, ne soulève pas aujourd’hui des problèmes importants de filiation et d’interprétation : y a-t-il maintien d’une base comportementale biologique ou bien plutôt basculement vers une base behavioriste de type H. Simon ? En effet, la définition de l’évolutionnisme et surtout des jeux évolutionnistes (ou évolutionnaires) a évolué depuis le milieu des année 90. Il n’est pas certain que la référence de type biologique soit perpétuée : c’est plutôt les classes de modèles de rationalité limitée (avec faible information et capacités computationnelles réduites, mais avec de nombreuses interactions entre agents) qui se développent en économie (Young 2004 ; Durieu, Solal 2005). Dans cette hypothèse, les liens entre biologie et économie seraient en train de connaître une nouvelle phase d’étiolement.

-  Quels rapports avec la culture scientifique et technique ? Comment contourner la puissance de métaphores trompeuses (sur la concurrence et la lutte pour la survie, sur l’ethnicisation des processus d’inégalités économiques et sociales, sur la naturalisation de normes sociales comme le « choix rationnel » en économie, sur la continuité entre le projet humien ou smithien de philosophie morale et la « neuroeconomics » reliant le comportement sympathique des agents sur l’activation d’une zone particulière du cerveau humain...). Comment, en définitive, offrir une alternative à la résurgence de la sociobiologie en économie ? Comment exploiter la nouvelle donne d’une mise en rapport moderne entre les deux disciplines de l’économie et de la biologie, respectueuse du statut des sciences sociales ?

La méthode employée est la confrontation entre économistes, biologistes, philosophes et informaticiens, par séminaires spécifiques sur thèmes (cf. ce qui a débuté fin 2005 et en 2006 dans le cadre de ERSTU), et par publication régulière (une tous les 2 ans) d’une sélection des contributions aux séminaires. Les séminaires couvriront
- un volet historique : les rapports entretenus entre l’économie et la biologie sont nombreux, certains apparaissant comme plus importants que d’autres. Des phases significatives restent néanmoins encore à ce jour peu connues. Il s’agit alors de tracer des lignes de lecture de ces rapports, en comblant certains manques ;
-  un volet épistémologique et méthodologique : L’économie s’est souvent tournée vers d’autres disciplines et vers la biologie en particulier pour asseoir la légimité d’un nouveau modèle de représentation des interactions sociales.
-  un volet technique : les deux disciplines utilisent des techniques de traitement communes : jeux évolutionnaires, modélisations de systèmes complexes... Cet usage commun est une des dimensions importantes des rapports entre sciences naturelles et sciences sociales aujourd’hui (et particulièrement science économique) ;
-  un volet philosophique concernant certaines notions (empathie, égoïsme...) et le rapport plus global entre disciplines dans la dynamique scientifique.
-  Deux thèses en co-tutelle seront aussi un moyen de mettre en commun les connaissances liées aux disciplines concernées.

Les résultats attendus : a) Il s’agit donc, pour des réponses à ces trois questions au cours des quatre années à venir, de :
-  faire un bilan de l’histoire des relations générales entre économie et biologie
-  présenter l’état des relations dans la période récente (évolutionnisme, systèmes complexes, « neuro-economics », hypothèses comportementalistes).
-  tenter une prospective de ces rapports et du statut futur de cette science sociale que l’on dit « la plus dure » : l’économie.
-  parer aux risques toujours renaissants d’une naturalisation des comportements économiques, en dotant la culture scientifique et technique de connaissances nouvelles, échappant aux stigmates du social darwinisme en économie. b) produits scientifiques :
- La publication de 2 ouvrages scientifiques et 8 publications en revues reconnues sont attendues sur la période (issus notamment d’une sélection des communications sur séminaires) ;
- 2 thèses engagées sur la période (Une soutenue si ADR dès 2007) : une thèse en histoire des idées sur « Economie, morale et biologie chez D. Hume », et une thèse sur « Histoire récente et perspective des rapports entre biologie et économie ».
- 2 actions tournées vers la culture scientifique et technique : avec les CCSTI de Rhône-Alpes (appel d’offre de la Région pour 2007 ou 2008) et Conférence à « La Rotonde » (Ecole des Mines Saint-Etienne.