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Cluster 14 | E.R.S.T.U.

Enjeux et Représentations de la Science, de la Technologie et de leurs Usages.

Corps, Normes, Représentations.

Opération de recherche

Responsable(s) : Sarah Carvallo, Jérôme Goffette

Documents et archives

Mots Clés : Corps, Normes, Représentations, médecine, science, espace public

Objectifs :

Le projet « Corps, Normes et Représentations » entend éclairer les interactions entre les recherches médicales et les représentations publiques du corps. A partir d’un socle historique (XVIIe-XXIe siècle) décliné à travers plusieurs pays européens (Angleterre, France, Allemagne), il s’agit de reconstruire l’idée du corps humain mise en jeu dans les pratiques et controverses technoscientifiques contemporaines. Un aspect important de ce projet consiste à montrer comment sont construites les normes requises pour légitimer les définitions respectives de maladie et de la santé.

Contexte :

La question du corps occupe de plus en plus de place dans dans l’espace public. Que ce soit à travers les controverses sociotechniques liées à la médecine ou à la biologie, à travers les pratiques sportives, ou à travers l’évolution des mœurs, les transformations contemporaines du corps focalisent de nombreuses analyses. Même si la philosophie et l’histoire des sciences se sont appropriées à leur tour ce champ de travail, ce type d’études demeure rare au regard des travaux sociologiques ou anthropologiques, en particulier en langue française. Une conviction anime ce travail collectif : pour comprendre les critères de transformation des corps aujourd’hui, il convient d’éclairer les pratiques actuelles par une histoire sur le long terme, qui permet de repérer les continuités et ruptures conceptuelles. Notre projet part en effet de l’hypothèse suivante : les représentations contemporaines du corps résultent d’une histoire longue où interagissent des théories et des pratiques médicales avec des comportements sociaux. Comme le rappelle Marc Bloch de façon générale, « L’incompréhension du présent naît fatalement de l’ignorance du passé. Mais il n’est peut-être moins vain de s’épuiser à comprendre le passé, si l’on ne sait rien du présent. » (Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, Paris, A. Colin, Cahier des Annales 3, 1964, p. 13-14) Il s’agit alors d’appliquer ce double éclairage prospectif et rétrospectif à l’objet « corps ». L’histoire et la philosophie des sciences permettent en effet d’interroger selon leurs méthodes propres la constitution des théories médicales concernant des thématiques précises : apparition et développement de nouvelles branches de la médecine (la santé publique, la gériatrie ou la gérontologie, la génétique, par exemple) ; apparition et diffusion de nouveaux concepts (gène, feed back, milieu intérieur, plasticité, seuil critique, par exemple) ; apparition et diffusion de nouvelles méthodes médicales (statistiques, exploration fonctionnelle, imagerie, evidence based medicine, par exemple), etc. Chacune de ces innovations implique des modifications importantes dans les représentations publiques de la médecine et du corps. L’approche historique et philosophique permet ainsi de repérer des ruptures et continuités au sein de ces thématiques particulières. Il convient ensuite d’analyser les nouvelles évidences médicales qui s’imposent à la société civile. A l’inverse, certains problèmes sociaux suscitent une demande nouvelle adressée par la société civile aux médecins : le vieillissement, le handicap, l’identité sexuelle focalisent aujourd’hui de nombreuses recherches médicales. A d’autres époques, d’autres thématiques ont primé. Il convient alors de montrer comment la médecine s’approprie des enjeux sociaux et les configure dans ses théories et pratiques. Bref, il s’agit de voir comment les découvertes médicales transforment les représentations du corps à un triple niveau : scientifique, social et philosophique en Europe entre 1628 (Publication de l’Anthropologie médicale de Jean Riolan) et aujourd’hui.

Trois axes se dégagent :

1) Enjeux épistémologiques liés à la constitution de nouveaux objets médicaux La médecine considère le corps comme son objet. Cependant la définition du corps évolue selon les connaissances et pratiques médicales : la théorie des humeurs implique une conception du corps radicalement différentes de l’approche anatomique ; la conception génétique de l’hérédité suscite une vision nouvelle de l’identité du corps. Bref, les modèles du corps changent. Pourquoi ? Comment ? A travers l’étude de cas précis, il s’agit de reconstituer des fragments du corps que représente la médecine occidentale.

2) Enjeux épistémologiques liés à la constitution de nouveaux champs médicaux La médecine ne constitue pas une science close constituée une fois pour toutes . Même si elle revendique son identité en arguant d’une histoire qui remonterait à Hippocrate, la médecine évolue profondément, au point qu’il semble difficile aujourd’hui de définir ses limites face à l’émergence de nouvelles pratiques (chirurgie esthétique, pharmacologie, hybridation). Il s’agit de repérer la constitution de nouvelles branches médicales (gérontologie, gynécologie, génétique, santé publique) pour comprendre 1°comment elles acquièrent leur légitimité, 2° comment elles diffusent dans l’espace public, 3° comment elles transforment simultanément les représentations du corps et l’identité de la médecine.

3) Normes et valeurs du corps La médecine ne se contente pas de comprendre ou décrire les phénomènes organiques ; elle exerce une fonction normative, au sens où elle doit articuler le couple du normal et de l’anormal au cœur de son objet : le corps. En effet, l’idée de normalité ou de santé se construit en opposition avec ses anormalités, qu’elles relèvent de la monstruosité ou de la pathologie. Il s’agit de comprendre comment la détermination de la normalité caractérise une spécificité de la connaissance de la vie.