Suivre la vie du site Firefox Lettre d'info SPIP
Notice légale et crédits | Membres

Cluster 14 | E.R.S.T.U.

Enjeux et Représentations de la Science, de la Technologie et de leurs Usages.

Jusqu’ou la connaissance scientifique est-elle une marchandise ?

Opération de recherche

Responsable(s) : Sylvain Auroux

La connaissance peut d’abord être conçue comme une modalité épistémique d’un genre particulier : elle est réflexive (je connais X = je connais que je connais X, etc.), sa valeur de vérité est toujours identique à la proposition qu’elle asserte (Je connais X, si X est vraie). Plus encore, elle est objective : si comme la croyance ou la foi, elle peut se cacher (je me tais sur ce que je sais), à la différence des deux autres elle peut être volée (ou vendue). Depuis les philosophes de l’antiquité on sait à peu près ce que signifie cette objectivité dans son rapport à un espace public (distinction traditionnelle avec l’opinion vraie dans son rapport à la verbalisation et à l’enseignement), quand bien même on ne parvient guère à définir les rapports entre la connaissance et la croyance vraie et justifiée (paradoxe de Gettier, Analysis , 23, 121-123, 1963). C’est encore plus compliqué lorsqu’il s’agit de la connaissance scientifique : une « science » n’est pas nécessairement un ensemble de propositions « vraies » (de nombreux théoriciens de la science récusent cette assertion traditionnelle), c’est encore plus clair si l’on tient compte de la « connaissance tacite » développée au sein des laboratoires. On ne se propose pas d’aborder directement ces solides problèmes épistémologiques, mais de les traiter par le biais de récents changements : il y a trois siècles que la pensée technique a réfuté l’idée aristotélicienne d’une « science désintéressée » et la législation moderne des brevets a considérablement fait bouger le problème. Les tentatives de marchandisation de l’enseignement, par ailleurs, font l’objet de vives critiques. On se propose de mettre les choses à plat : qu’est-ce qui de la connaissance scientifique peut effectivement être vendu, soit positivement (état des législations et des marchés), soit légitimement (état des discussions éthiques et politiques).

On analysera également ce qui fait l’objet de débats dans l’espace public quand on évoque la « marchandisation » des connaissances, en particulier les applications industrielles ou médicales. Il est en effet probable que ce que les acteurs du débat public dénoncent dans la marchandisation, ne relève pas d’une analyse posée en termes de « connaissance » (questionnements ou des représentations du monde), mais concerne plutôt d’une part les cadrages en amont de la recherche (commandes publiques ou privées, partenariats industriels, etc.), et d’autre part ses retombées et enjeux économiques et sociaux pour les populations concernées.

C’est en effet la possibilité de poser des équivalences à peine discutées entre connaissances et information, entre découverte et innovation, qui donne parfois aux instances de pilotage de la recherche la maîtrise des termes mêmes du débat sur les rapports entre connaissances et valeur.

Outre ces problèmes liés aux cadrages des recherches ou à leurs applications, il convient de prendre en compte également l’existence d’un patrimoine matériel de la connaissance : les sciences, et plus généralement les processus de connaissance, ne peuvent en effet pas se décrire en référant uniquement à la production d’idées et de démarches empiriques au sein des communautés savantes. Il est nécessaire de tenir compte de leur dimension culturelle et de leur inscription dans le temps long et les fonctionnements institutionnels et idéologiques liés au patrimoine, ici scientifique (en particulier les musées). Il découle de ce postulat qu’une réflexion sur la marchandisation de la connaissance devrait porter son attention sur les dispositifs de transformation du patrimoine, et sur les fortes controverses actuelles autour de la patrimonialisation des connaissances (crise des musées de sciences humaines et sociales, enjeux du Copyleft dans le secteur des nouvelles technologies, etc.).

Les forces : S. Auroux, DR CNRS, I. Babou McF (ENS-LSH), J. Le Marec McF (ENS-LSH), J. Deschamps Prag (ENS-LSH), E. Guillot IE (ENS-LSH) et intervenants extérieurs, dont des juristes, sociologues et historiens des sciences , économistes.

Modalités pratiques : Séminaires d’une dizaine d’intervenants. Second semestre 2005-2006.

Résultats envisagés : Un ouvrage de synthèse.