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Cluster 14 | E.R.S.T.U.

Enjeux et Représentations de la Science, de la Technologie et de leurs Usages.

Les outils quantitatifs de la réforme

Opération de recherche

Responsable(s) : Fabrice Bardet

Toutes les versions de cet article : [English] [français]

Action 1. UN FINANCEMENT D’ENQUETES

Action 2. L’ORGANISATION D’UN SEMINAIRE INTERNATIONAL

Introduction

L’évaluation des politiques publiques est de plus en plus souvent inscrite dans les programmes d’action publique dès leur engagement. L’évaluation quantitative - monétarisée ou pas - est souvent promue dans ce cadre comme une garantie de renouvellement des pratiques. Elle est en effet défendue pour ses qualités de lisibilité, de comparabilité et d’efficacité pour inciter la réorientation des programmes d’action publique. Pourtant, la mise en place d’indicateurs quantitatifs constitue une réduction de la complexité des phénomènes à autant de variables linéaires qui n’est pas toujours explicitée. On peut même juger que les conventions à l’origine du choix de ces variables et de leur mesure sont le plus souvent évacuées des présentations, ou simplement oubliées, produisant un effet « boîte noire ». Dans le contexte de la généralisation du recours aux indicateurs quantitatifs d’évaluation des phénomènes sociaux ou de l’effet des programmes d’action publique, il apparaît donc nécessaire de développer l’analyse de ces processus de construction des conventions contenues dans les indicateurs.

La réflexion sociologique sur les outils de quantification est déjà ancienne et a bénéficié au cours des dernières années d’une dynamique nouvelle, internationale, qui s’alimente de travaux de diverses origines académiques consacrés à l’outil statistique (Desrosières 2000), ou à l’outil de la comptabilité. Devant l’accumulation des travaux, des tentatives de structuration de la réflexion se sont faîtes jour (Chiapello et al. 2002).

Plus récemment, la sociologie politique a montré, en France, un intérêt renouvelé pour les « outils de gouvernement » (Lascoumes and Le Galès 2004) qui fournit une nouvelle occasion d’alimenter l’analyse des processus de genèse des indicateurs quantitatifs.

La présente opération de recherche s’appuie sur deux enquêtes (A) et sur la tenue, parallèlement, d’un séminaire de recherche sur les outils quantitatifs du gouvernement rassemblant des chercheurs de plusieurs pays et dont les travaux portent sur des types d’outils statistiques ou des secteurs d’action publique divers (B).

Action 1. LE FINANCEMENT D’ENQUETE « La genèse d’outils quantitatifs de réforme de l’action publique » Une première enquête est conduite sur la préparation et la mise en œuvre de la réforme française des procédures budgétaires votée en 2001. Il s’agit de voir comment, dans le cadre des politiques menées par l’Etat dans les quartiers en difficultés, l’application de la loi d’orientation des lois de finances (LOLF) a modifié l’action de l’Etat. Plus précisément, il s’agit de comprendre le rôle qu’ont joué les indicateurs budgétaires mis en place à cette occasion dans l’évolution de l’intervention publique.

Une deuxième action de recherche consiste en une comparaison internationale des outils statistiques sur lesquels s’établissent les politiques de sécurité routière. Il s’agit de comprendre comment le formatage de ces outils concourt à privilégier des représentations des problèmes publics qui privilégient un type d’intervention publique plutôt qu’un autre, par exemple une action sur les infrastructures plutôt que sur le comportement des usagers. Ces deux actions s’appuient sur une dynamique de recherche engagée depuis plusieurs années au laboratoire RIVES, d’une part sur l’histoire française des politiques de rationalisation des dépenses budgétaires (Spenlehauer 1998) et plus récemment sur les outils statistiques développés dans les politiques de transport (Bardet 2004), les politiques de sécurité routière (Bardet et Bernardin 2005) ou les politiques de la ville (Bardet 2005).

Action 2. UN SEMINAIRE INTERNATIONAL « La mondialisation des outils quantitatifs du gouvernement » Les outils quantitatifs de gouvernement - statistiques, comptabilités, palmarès - sont sans conteste aujourd’hui au cœur du gouvernement des sociétés contemporaines. Un des signes de cette caractéristique réside peut-être dans la place qu’occupent aujourd’hui ces outils de quantification dans les phénomènes dits de mondialisation des sociétés. On assiste en effet d’une part à une harmonisation croissante, au niveau mondial, de nombreux outils de quantification qui structurent depuis des années les politiques publiques ou les politiques des acteurs économiques et sociaux. C’est ainsi le cas de l’harmonisation récente des normes internationales comptables pour les entreprises (Chiapello 2005). D’autre part, il est fréquent que les phénomènes d’importation entre les pays des programmes d’action publique observés ces dernières années s’appuient sur l’importation prioritaire des systèmes d’information imaginés pour le suivi des réformes. Enfin, différents systèmes d’évaluation mondialisée de toute une série de phénomènes ont vu le jour au cours des dernières décennies, notamment sous l’impulsion d’organisations internationales - institutions internationales ou ONG.

Des standards semblent ainsi progressivement s’imposer au niveau mondial pour l’évaluation des politiques ou des organisations. Une autre manière de présenter les choses consiste à suggérer qu’il s’opère, parallèlement ou en lien avec la mondialisation des politiques, une mondialisation des outils quantitatifs de pilotage de ces politiques. Face à un tel phénomène, l’objectif de ce séminaire est double. Il s’agit d’une part de tirer profit du contexte de la mondialisation pour mettre en relief la dimension politique et culturelle des outils quantitatifs de gouvernement. L’objectif, issu d’un programme de sociologie des sciences, consiste à rompre avec une vision qui ferait des phénomènes d’importation ou d’harmonisation des outils quantitatifs à l’échelle internationale le résultat de seuls processus scientifiques ou de rationalisation. A l’inverse, il s’agit également de tirer parti de l’objet des outils de gouvernement pour éclairer la caractère normalisateur et culturellement situé des phénomènes qualifiés de mondialisation. La mondialisation est souvent présentée comme la dernière étape d’un processus de rationalisation des économies auquel les sociétés doivent s’adapter. Il s’agit au contraire de s’inscrire dans la tradition des sociologies de l’Etat qui ont souligné les aspects culturellement et historiquement situés du phénomène de rationalisation des sociétés. A ce propos, le séminaire recherchant les paramètres culturels de la mondialisation, il sera néanmoins tenu à l’écart d’une perspective relativiste - revendiquée par les tenants d’une vision « post-moderne » - qui conduirait à gommer la spécificité et la force des phénomènes de rationalisation.

LISTE PROVISOIRE DES SEANCES ET DES INTERVENANTS

1. « La modernisation du recensement des populations à l’écart des phénomènes de mondialisation » 11 octobre 2007
- Margo J. Anderson (Université du Wisconsin à Milwaukee), « L’introduction du sondage dans le recensement américain : une mise à l’épreuve nationale »
- Fabrice Bardet (RIVES/ENTPE), « La réforme du recensement français : une modernisation qui ne se mondialise pas »

Les entreprises de recensement des populations, débarrassées des controverses autour de la catégorie « être humain », continuent aujourd’hui à poser de nombreux autres problèmes (Anderson 1988). L’un des plus discuté dans la communauté internationale est sans doute le sous-dénombrement qui affecte prioritairement les populations les plus démunies économiquement et culturellement. La science statistique est en ébullition depuis des années pour trouver les solutions qui permettraient de réduire les marges d’incertitude qui demeurent sur l’ensemble des données tirées du recensement, et en particulier sur celle essentielle du nombre global d’individus vivant sur le sol national. Les controverses qui se sont développées autour des méthodes de sondage démontrent le caractère profondément politique et culturel du dénombrement des populations.

Margo Anderson, historienne du recensement américain, exposera les derniers rebondissements d’une controverse ancienne de plusieurs décennies. Elle présentera en particulier les projets qui pourraient modifier l’organisation du prochain recensement de 2010. Fabrice Bardet reviendra sur la réforme française du recensement intervenue en 2002 et sur les différences politiques qui expliquent l’absence de controverse qui a précédé la réforme. Il présentera le contexte scientifique et politique de l’époque ainsi que l’influence qu’a pu avoir cette réforme sur les autres entreprises de recensement. Cette présentation sera l’occasion de tracer des perspectives de réflexion sur les phénomènes de mondialisation qui affectent les outils quantitatifs de gouvernement.

2. « Minorités, statistiques et démocratie » 12 octobre 2007
- Joan Stavo-Debauge (GSPM-EHESS), « La hantise de la catégorisation ethnique : les ressorts de l’opposition française à la mondialisation des luttes contre les discriminations »
- Alain Blum (INED), « L’institution de la catégorie ethnique en Russie »

Avec la généralisation de politiques de lutte contre les discriminations et la transposition des directives anti-discriminatoires européennes, de nouveaux besoins statistiques ont émergé qui ont posé des problèmes inédits aux statisticiens et chercheurs en sciences sociales. Joan Stavo-Debauge reviendra sur dix années de controverses françaises face à la perspective de l’introduction de catégories ethniques dans les statistiques publiques, le recensement de la population en particulier. Il présentera les ressorts de ce qui apparaît comme une hantise partagée par une grande variété d’acteurs, notamment en comparaison de la situation du Royaume-Uni, et qui constitue en tout cas un frein à l’importation en France de pratiques statistiques de plus en plus répandues.

Alain Blum présentera les dernières évolutions de la catégorisation ethnique russe, enregistrée à l’occasion du recensement organisé en 2002.

3. « La mondialisation des normes comptables » 23 janvier 2008
- Eve Chiapello (HEC), « La mondialisation de la comptabilité des entreprises »
- Béatrice Touchelay (Université de Paris 12), « La comptabilité privée française entre 1916 et 1957, un développement imperméable aux influences étrangères ? »
- Yury Biondi (CNAM), « La position de la nouvelle constitution comptable et financière de l’Etat français (LOLF) dans le contexte international »

4. « Les nouveaux indicateurs de développement des villes » 20 mars 2008
- Annik Osmont (Institut français d’urbanisme), « La genèse d’une politique urbaine à la Banque Mondiale »
- Jean-Jacques Helluin (Banque Mondiale), « La mise en place du Global Urban Observatory »

5. « L’internationalisation du classement des centres de formation » 24 avril 2008
- Wendy Espeland (Northwestern University of Chicago), "Rankings and Reactivity : How Public Measures recreate Social Worlds"
- Roser Cusso (Université Paris 8), " Les statistiques internationales de l’éducation : de l’évaluation des moyens des Etats à celle des résultats sur les populations"

6. « L’européanisation des indicateurs des politiques économiques » 13 mai 2008
- Florence Jany-Catrice (Université Lille 1), "Les indicateurs de progrès entre territoires et mondialisation"
- Julia Mensink (LSE), "The developpement of poverty measures by international institutions : the UNPD case"

7. « La mondialisation des instruments de mesure de la délinquance » 26 juin 2008
- Frédéric Ocqueteau (CERSA)
- Bilel Benbouzid (ENTPE)

8. « L’influence des indicateurs des politiques anglo-saxonnes de santé publique » Fin septembre 2008
- Luc Berlivet (CERMES)