Séminaire Interface science/société. Les passions cognitives.

Argument de recherche

L’histoire comme la sociologie des sciences ont longtemps tenu à l’écart de leurs sujets d’étude les activités de connaissance relevant d’amateurs, de passionnés ou même de simples quidam, qui, s’intéressant à une question, à un objet, à un domaine, s’engagent dans une véritable « enquête » pour en devenir des quasi-experts. Dans une version « internaliste » de l’histoire des savoirs, la science avance pour la science et la société est maintenue au-dehors de la scène majeure de l’élaboration des connaissances. Pourtant, des études récentes ont révélé l’étendue et la portée des conduites cognitives menées sur le tas, de manière individuelle ou socialisée, dans des clubs, des associations, des groupes de lecteurs, des cercles de passionnés ou au sein de groupes de concernement. De plus, il s’avère que ces activités de connaissance « profane » sont, beaucoup moins qu’on le pense, coupées ou même opposées au développement de la science professionnelle ou académique. Les fils qui les relient au monde de la recherche sont en effet nombreux.

Si le présent séminaire s’inscrit dans le cadre d’une nécessaire réévaluation de la relation entre science professionnelle et connaissance profane, il propose plus précisément d’explorer l’hypothèse selon laquelle le motif de la passion permet de réarranger de manière transversale ce qui se donne encore de manière duale dans l’opposition entre le laboratoire et l’amateur. On s’engage dans le connaître parce qu’on a à connaître, par proximité avec une question, un environnement, une peur, une menace, ou parce qu’on a une raison forte de s’y consacrer avec enthousiasme. Il y a une dimension affective de l’engagement dans l’enquête. Des émotions s’y développent, qui se traduisent en joie ou en tristesse, dans lesquelles le partage n’est pas aisé à faire entre ce qui ressort de l’événement de découverte lui-même et ce qui est attaché à sa reconstitution narrative ex post. Des rôles sont dépassés par le fait même de l’engouement pour le « sujet ». N’est-ce pas d’ailleurs le propre des passions que de porter avec elles un débordement toujours possible par rapport à des rôles établis, des règles d’interaction, des motifs de concernement ? Du côté du laboratoire comme du côté de la société, la passion invite à transgresser les frontières. Il y a là matière à enquête.

Modalités d’organisation

Le séminaire comporte une série de séances d’une journée organisée autour d’un auteur. La matinée est consacrée à une conférence publique (ouverte aux étudiants), suivie d’un premier débat. Elle est précédée par la mise en circulation d’un ou de plusieurs textes présentant le chercheur invité. L’après-midi, en séance réservée aux participants réguliers du séminaire, aborde de manière réflexive la question de l’engagement du chercheur invité dans ses sujets de recherche et est l’occasion d’une mise en discussion contradictoire avec des chercheurs et doctorants plus particulièrement engagés dans la thématique du programme.

Programme des séances jusqu’en juin 2007

Vendredi 19 janvier 2007 : Rebecca Ellis (anthropologue, University of Lancaster) : « The Passion of the Amateur Naturalist : a wilder organisation of culture ? » (La passion du naturaliste amateur : une organisation sauvage-débordante de la culture)

Vendredi 2 mars 2007 : Martin de la Soudière (ethnologue, CETSAH-EHESS) : « Météo passion : des savoirs populaires à la popularisation de la météo »

Vendredi 30 mars 2007 : Anne Sophie Haeringer (sociologue, MODYS-CRESAL, doctorante Lyon2) : « Le conte et ses possibles. Quand enquête et passion s’intriquent nécessairement »

Vendredi 27 avril 2007 : Vinciane Despret (ethnopsychologue, Université de Liège) : « D’un dualisme bien utile : passions en contradiction »

Vendredi 25 mai 2007 : Isabelle Kalinowski (sociologue, CSE, ENS Paris) : « Le comble du savant intègre : Weber/Sombart »

Vendredi 22 juin 2007 : Pascal Nouvel (philosophe des sciences, Université Paris VII) : « Le jeu des concepts et des affects dans l’élaboration de la connaissance scientifique »