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Cluster 14 | E.R.S.T.U.

Enjeux et Représentations de la Science, de la Technologie et de leurs Usages.

Séminaire transversal "Science-fiction"

1ère journée du séminaire Science-fiction

7 novembre 2006
10h à 12h30, Salle des conseils : Maison des Langues et des Cultures, Grenoble.
contact : Patrick Pajon

La science-fiction au service de la technocratie : le cas des nanotechnologies Patrick PAJON et Donna ANDREOLLE (Université Stendhal)

167O, en pleine période de développement du rationalisme, Spinoza, exclu et « maudit », publie, sans nom d’auteur, son Traité théologico-politique. Dans la préface, on, peut lire ceci : « nul moyen de gouverner la multitude n’est plus efficace que la superstition », et plus loin, « par les miracles nous ne pouvons connaître ni l’essence, ni l’existence, ni la providence de Dieu, alors qu’on peut les connaître par l’ordre fixe et immuable de la Nature » (chapitre 6) Décembre 2005, Emilio Mordini, médecin et psychanalyste, professeur de bioéthique à la Sapienza de Rome, directeur du Centre pour la Science, la Société et la Citoyenneté, et coordinateur des projets Européens BIG (Bioethical Implication of Globalization) et BITE (Biometric Identification Technology Ethics), s’exprime dans le très officiel RDT info, magazine de la recherche européenne. « ll me semble d’ailleurs que nos décideurs politiques ne devraient pas s’abstenir de jouer sur ce ressort de la fascination pour le miracle... Autrefois, la mise en scène du miracle était une technique de pouvoir éprouvée - il n’est qu’à évoquer le lever du Roi Louis XIV, resplendissant ainsi chaque matin. Les Américains ont repris cette stratégie au moment des programmes Apollo. Chacun convient qu’il n’y avait aucune raison scientifique d’aller sur la Lune, mais que ces voyages ont permis d’acquérir des données très importantes. Cela n’aurait pas été possible si l’opinion, fascinée par la dimension mythique du projet, n’en avait accepté le coût faramineux. Si l’on veut vraiment que les nanotechnologies bénéficient d’un soutien populaire, il ne faut pas craindre d’appliquer cet exemple, en jouant sur la fascination mythique que recèle l’univers nanotechnologique ».

Alors que le savant européen réhabilite ainsi le recours au miracle, le miraculum latin, c’est à dire le merveilleux, il n’a pas été attendu par les Etats-Unis dans cette opération d’acquisition du « soutien populaire ». Dés 2002, la NSF (National Science Foundation) publie un important rapport intitulé « Converging technologies for improving human performance » rapport qui va être la base de la future National Nanotechnology Initiative. Le profil de ces auteurs est signifiant. L’un, est un ingénieur de haut vol (M. ROCCO), et l’autre un spécialiste de... l’histoire des religions (S. BAINBRIDGE).

C’est l’analyse de ce rapport et de la grille mythique (euphorique) dans laquelle il saisit les futurs développements technoscientifiques qui va constituer le cœur de notre travail. En particulier nous montrerons que les « visions » qui sont avancées ici se sont sciemment appuyées sur des mythèmes popularisés par la science-fiction. Quel meilleur vecteur en somme que ce genre, littéraire, cinématographique, voire ludique (jeu vidéo) situé à l’articulation de la technoscience et de la culture populaire ? La communication des grands programme technologiques n’étant pas essentiellement orientée vers le grand public mais vers les médias., « l’habillage imaginaire » entourant les propositions scientifiques et techniques s’inscrit naturellement dans les stratégies de narrativisation de l’information propres à ces derniers.