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Cluster 14 | E.R.S.T.U.

Enjeux et Représentations de la Science, de la Technologie et de leurs Usages.

Thème 1. Sciences, culture et communications sociales

Action 3 : Les pratiques culturelles des scientifiques »

25 avril 2006
contact : Bernard Lahire

Porteurs du projet  : Bernard Lahire, et membres GRS de l’axe « Cultures, dispositions, pouvoirs », ENS-LSH

Présentation du projet

L’étude sociologique des profils culturels des étudiants a mis en évidence l’importance d’une opposition, trop évidente et pourtant trop souvent négligée interprétativement par les analystes, entre les formations scientifiques et techniques (études à forte présence masculine, qui se caractérisent par un faible usage de la bibliothèque, des pratiques de lecture à faible légitimité culturelle, des pratiques culturelles et des loisirs ludiques, corporels, permettant le défoulement collectif et la participation festive...) et les formations littéraires au sens large ou restreint (études à forte présence féminine, qui se caractérisent par un fréquent usage de la bibliothèque, des pratiques de lecture très légitimes et des pratiques culturelles et des loisirs « sérieux », « cultivés »).

Les étudiants de formation scientifique, et notamment ceux qui suivent les voies les plus prestigieuses (les classes préparatoires aux grandes écoles), s’approprient des biens culturels aux valeurs très différentes, voire opposées dans l’ordre des légitimités culturelles. Maîtrisant les produits parmi les plus savants offerts par la culture scolaire, à la pointe de la légitimité scolaire (les séries scientifiques du baccalauréat étant de loin les plus prisées et les mathématiques étant devenues un instrument de sélection scolaire qui joue un rôle déterminant dès l’école primaire et le collège), ils n’en consomment pas moins - hors contextes scolaires - des genres de livres dont la légitimité culturelle est incomparablement plus faible (bandes dessinées, romans policiers et de science-fiction) et se tiennent à distance de l’offre culturelle classiquement légitimes (théâtre, musée, concert de musique classique, opéra, etc.). Alors qu’un étudiant de formation plus littéraire parvient plus aisément à constituer un sens assez sûr de la légitimité culturelle et repère certains genres d’imprimés comme étant incompatibles avec son degré d’exigence culturelle, un étudiant de formation scientifique, à la dignité scolaire tout aussi élevée (voire supérieure dans le cas des élèves des classes préparatoires), se les approprie plus fréquemment sans réticence.

§§§§§ La raison d’un tel décalage est à rechercher du côté de la faible place accordée à la culture scientifique dans le domaine public (celle-ci ne cesse toutefois de s’étendre à la suite de la réussite de lieux d’expositions tels que le Futuroscope de Poitiers, la Cité des sciences de La Villette, les divers planétariums et musées océanographiques ou encore le parc européen Vulcania, près de Clermont-Ferrand, consacré au volcanisme, mais on pourrait évoquer tout aussi bien le théâtre scientifique) : la haute légitimité scolaire de la culture scientifique ne « protège » en rien des produits culturels les plus « populaires » dans un monde social encore dominé par les définitions littéraire et artistique de la culture. Cela engendre des profils culturels particulièrement intéressants pour le sociologue qui travaille sur la transférabilité (relative) des schèmes culturels (ici du sens de la légitimité culturelle) d’un domaine de pratiques à l’autre.

La question se pose donc pour tous ceux dont les métiers reposent sur une formation scientifique : chercheurs en sciences de la matière ou de la vie, enseignants de science, ingénieurs, haut fonctionnaire ou dirigeants d’entreprise passés par Polytechnique ou par une grande école d’ingénieur, médecins et chirurgiens, etc. Quels effets produit leur socialisation scolaire non littéraire sur la palette de leurs pratiques et de leurs préférences culturelles ? Comment joue cette socialisation dans des cadres d’études scientifiques lorsqu’elle se conjugue à des origines populaires, petites-bourgeoises ou bourgeoises et lorsqu’elle se combine à des socialisations familiales plus ou moins marquées par la présence précoce d’une socialisation plutôt littéraire ou plutôt scientifique ? §§§§§

Acteurs du projet

Bernard Lahire, professeur à l’ENS-LSH, Sophie Denave, doctorante à Lyon 2, Fanny Renard, doctorante à Lyon 2, Olivier Vanhee, doctorant à l’ENS-LSH, Emmanuelle, Zolesio, doctorante à Lyon 2

Bibliographie :

- Lahire, Bernard, Troisième Partie : Conditions d’études, manières d’étudier et pratiques culturelles » (« Chapitre I : Les manières d’étudier » et « Chapitre II : Lectures et pratiques culturelles »), in C. Grignon (éd.), Les Conditions de vie des étudiants , Paris, Presses Universitaires de France, 2000, p. 241-381.
- Lahire, Bernard, La Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi , Paris, Éditions la Découverte, Coll. « Laboratoire des sciences sociales », 2004, 780 p.

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Modalités pratiques

Entretiens longs auprès d’adultes aux formations scientifiques diversifiées et occupant des fonctions différentes dans la division sociale du travail.

Résultats envisagés

Analyse des rapports à la culture littéraire et artistique en fonction des genres d’études scientifiques suivies et des cadres socialisateurs fréquentés hors institution scolaire.