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Cluster 14 | E.R.S.T.U.

Enjeux et Représentations de la Science, de la Technologie et de leurs Usages.

Communications des doctorants 2005, 2006, 2007

Construction des représentations sociales des technologies innovantes dans le domaine des Micro Nano Technologies : une approche par la sociologie expérimentale

13 mars 2009
contact : Anjembe.Emmanuel

Directeur de thèse : Bernard Denni

Notre recherche s’appuie sur un constat double : l’association de l’utilisateur (potentiel) de technologies innovantes au processus de production de celles-ci et la mobilisation d’experts en sciences humaines et sociales comme ressource dans les équipes de conception. La corrélation entre ces deux processus participe d’un mouvement de fond que l’on peut séquentialiser en deux étapes (Caelen, 2004) :
-  la participation des utilisateurs au processus de conception fut d’abord impulsée par la volonté des pouvoirs publics, notamment scandinaves, de rééquilibrer les pouvoirs entre employeurs et syndicats à partir des années 70. Les changements technologiques majeurs tels que l’introduction des technologies de l’information dans les bureaux et l’automatisation des usines de production devaient dès lors associer utilisateurs et concepteurs dans une perspective latente de démocratisation de l’activité de production. (Reuzeau, 2001)
-  cette redéfinition du rôle de l’utilisateur a par ailleurs contribué au développement d’équipes de recherche en sciences sociales au sein d’organisations du monde économique. La production de connaissances centrées utilisateur (user-centric) est alors devenu un enjeu majeur pour des équipes pour qui « les méthodes participatives, les outils mettant en œuvre la participation et le choix des utilisateurs impliqués sont intrinsèquement liés » (Reuzeau, 2001). Ainsi, l’accent porté sur les modalités de « recueil du savoir » (Caelen, 2004) des utilisateurs. Cette institutionnalisation des SHS dans le monde économique peut être lue, au moins en partie, comme simultanément conséquence et moyen d’ajustement entre l’impératif d’une conception centrée utilisateur (user-centered design) et la nécessité croissante de maîtrise des outils (tant conceptuels que méthodologiques) d’appréhension, de compréhension et d’étude de l’utilisateur. A Grenoble, à la création de plusieurs laboratoires de conception intégrant l’expertise SHS au cœur de leurs activités consolide une dynamique de collaboration entre sociologues et industriels notamment impulsée dans les années 90 par Philippe Mallein et son équipe. Notre travail s’inscrit dans la lignée de cette approche par l’usage de l’innovation qui prend en compte l’épaisseur sociale de l’utilisateur. Il s’agit d’appréhender l’individu concerné en homme pluriel (Lahire, 1998) capable d’endosser un rôle contingent de son environnement, de ses caractéristiques sociales et du contexte d’utilisation du dispositif technique. Le caractère original de notre problématique tient à la situation d’observation choisie : durant le processus de conception et en amont de la réification du dispositif technique, se pose la question des modalités d’observation d’un utilisateur potentiel nécessairement configuré par le concepteur (Woolgar, 1991). Notre recherche privilégie ainsi l’investigation méthodologique des formes de caractérisation de la pensée sociale de ces utilisateurs potentiels et des dynamiques de production de celle-ci au sein des dispositifs d’enrôlement (Callon, 1986) déployés par l’équipe de conception. Ayant pour cadre le plateau d’innovation MINATEC du CEA Grenoble, nous avons pu avoir accès à un corpus de données discursives produites lors de tests d’acceptabilité menés dans le cadre d’un projet de conception participative. En recourant notamment au logiciel d’analyse du discours Alceste, nous avons mis en évidence la variabilité des conditions d’appropriation des dispositifs technique en amont des processus de conception en procédant à l’étude des représentations sociales (Moscovici, 1984) des utilisateurs potentiels. Notre travail se veut également analyse de la méthode mobilisée (les tests d’acceptabilité), des outils déployés (le scénario d’usage) et des modalités de définition des utilisateurs convoqués. Notre étude vise, par ailleurs, à démontrer sa pertinence sur le plan de son actionnabilité au niveau industriel : la mise en lumière d’univers représentationnels objectivés dans la matière du dispositif vise à contribuer à la réalisation de corps à corps (Bessy and Chateauraynaud, 1995) offrant à l’utilisateur le maximum de prises possibles avec l’objet technique. La découverte de ces frontières représentationnelles s’inscrit ainsi dans une logique d’articulation opérationnelle entre la connaissance sur les usages existants et les perspectives concernant les usages de demain, le test d’acceptabilité portant intrinsèquement cette capacité projective (Pinch, 1993).

1. Bessy, C., Chateauraynaud, F., 1995. Experts et faussaires. Pour une sociologie de la perception. Métailié, Paris. 2. Caelen, J., 2004. Le consommateur au coeur de l’innovation. CNRS Editions, Paris. 3. Callon, M., 1986. Eléments pour une sociologie de la traduction. L’année sociologique 36. 4. Lahire, B., 1998. L’homme pluriel. Les ressorts de l’action. Nathan, Paris. 5. Moscovici, S., 1984. The phenomenon of social representations. In : Farr, R. M., and Moscovici, S., (Eds.), Social Representations. Cambridge University Press, Cambridge, pp. 3-69. 6. Pinch, T., 1993. Testing - One, Two, Three...Testing ! : toward a sociology of testing. Science, Technology and Human values 18, 25-41. 7. Reuzeau, F., 2001. Finding the Best Users to Involve in Design : a Rational Approach. Le Travail humain 64, 223-246. 8. Woolgar, S., 1991. Configuring the user. In : Law, J., (Ed.), A Sociology of Monsters : Essays on Power, Technology and Domination. Routledge, London, pp. 57-102.