7ème séance du séminaire tranversal "Nouvelles frontières, nouveaux objets"

Qu’elle fascine ou qu’elle agace, la référence au « bio-politique » et au « bio-pouvoir » s’est installée sur le scène intellectuelle depuis une trentaine d’années, à partir des esquisses qu’en a proposées Michel Foucault. Cette mode récente s’inscrit toutefois dans un mouvement de pensée que l’on peut faire remonter au vitalisme spinoziste de l’âge classique. Cette conférence tentera (aventureusement) de tracer une continuité entre l’ontologie spinozienne, les découvertes « scientifiques » et les réflexions épistémologiques de la physiologie des Lumières, l’émergence de l’économie politique « libérale », la constitution de la sociologie tardienne, la réflexion de Gilbert Simondon sur l’individuation et les mouvements politiques contemporains inspirés pas l’opéraïsme italien. On verra s’esquisser, au cœur de la modernité, un envers de la modernité individualiste : une approche qui ne considère pas le monde social comme un ensemble d’individus-particulaires mais comme un entre-jeu d’ondes en résonances les unes avec les autres. C’est cette approche qui paraît la mieux à même de rendre compte de l’économie des affects et des mécanismes de la noosphère qui surdéterminent le devenir actuel de nos sociétés : elle nous invite en effet à désacraliser et à prendre à rebours les fausses légitimations sur lesquelles reposent les préférences des consommateurs et les choix des électeurs. Au postulat leurrant de la liberté individuelle se substitue la compréhension émancipatrice des résonances collectives qui nous conditionnent.

Yves Citton est professeur de littérature française du XVIIIe siècle à l’université de Grenoble 3, membre de l’UMR LIRE. Il vient de publier L’envers de la liberté. L’invention d’un imaginaire spinoziste dans la France des Lumières (Paris, éditions Amsterdam, 2006). Il est membre du comité de rédaction de la revue Multitudes et anime l’émission Zazirocratie sur radio Campus Grenoble 90.8.