Suivre la vie du site Firefox Lettre d'info SPIP
Notice légale et crédits | Membres

Cluster 14 | E.R.S.T.U.

Enjeux et Représentations de la Science, de la Technologie et de leurs Usages.

Projet 3. Imaginaires et représentations des sciences et des techniques

Responsable(s) : Patrick Pajon, Philippe Walter

L’intitulé même de ce cluster de recherche signale qu’une réflexion sur les enjeux des sciences et des techniques, au niveau sociétal comme au niveau épistémologique, ne peut se concevoir sans prendre en compte la question des représentations. On n’aura pas ici l’ambition de cerner complètement ce terme, évidemment complexe ( c’est d’ailleurs une tâche qu’évoque l’axe 1 du cluster), et tout au plus se bornera-t-on à rappeler que la science et la technoscience sont, aussi de l’ordre des discours ; non pas quelque chose qui « se fait » uniquement, mais qui « se dit », qui est de l’ordre du langage, qui se démontre, se déconstruit, relève parfois de la polémique, et dont on peut analyser les apories comme les enjeux de légitimation.

Les physiciens disent parfois que « le réel est voilé » (B. d’Espagnat), les spécialistes du langage savent quant à eux que le rée l est lui-même une construction sémiotique : l’ambition est ici de cerner au mieux les dynamiques de ces représentations afin que les acteurs sociaux puissent les déjouer, ou plutôt mieux en jouer... Il s’agit ainsi de mieux connaître l’arsenal sémiotique grâce auquel la science et la technoscience sont « mises en signes » au sein de la société et plus particulièrement « mises en culture » (pour reprendre une expression de J.M. Levy-Leblond). En effet, les « débats » et les « choix sociétaux », que l’on évoquera par ailleurs dans ce cluster , ne portent pas strictement sur des réalités mais en grande partie sur des « fictions » au sens de projet ou vision, ou sur des « images », comprises au sens de Bachelard, comme instance profonde du psychisme. S’y mêlent en permanence promesses, utopies, remords anticipateurs, euphories et dysphories. La part de la gestion des fantasmes fabriqués (par les technos fanatiques ou les technophobes), tend également à s’y accroître. La question actuelle est, à l’évidence, tout autant celle des représentations de la science, et surtout de la technoscience, que celle de leurs retombées effectives.

C’est donc de culture qu’il doit être ici question, au sens de valeurs communes, de représentations partagées, d’imaginaire collectif. La dimension culturelle des sciences, des techniques, et des technologies (processus matériels et organisationnels par lesquels les techniques produisent des objets, et généralement des marchandises), sera donc abordée dans cet axe de travail à partir de plusieurs perspectives convergentes.

D’une part, la dimension « imaginariste ». Les rapports de l’imaginaire, des sciences, et des techniques sont en effets très étroits. Les sciences façonnent non seulement notre quotidien mais aussi notre imaginaire, mais surtout, et cela est moins admis, l’activité scientifique, et ses prolongements techniques tournés vers l’action, reposent le plus souvent sur un véritable socle imaginaire. C’est ainsi que des inventions donnent régulièrement corps à des créations imaginaires et symboliques, issues de la longue histoire culturelle. Par exemple, l’idée d’un être hybride humain-machine, est présente depuis longtemps dans notre culture, dans les mythes anciens, les arts, la littérature... La science progresse aussi par hypothèses et conjectures qui, tant qu’elles ne sont pas éprouvées, relèvent de la fiction. Pour reprendre le titre d’un ouvrage récent , il existe une « histoire sentimentale des sciences » (N.Witkowski) qui souligne que la rationalité n’est pas toujours le plus court chemin (c’est une question qu’avai t d’ailleurs évoquée Bachelard). Plus avant, les technologies , et les produits ou services qui en découlent font également désormais l’objet d’une véritable gestion par l’imaginaire. On assiste à une intégration poussée du continuum science/technologies/produits/imaginaires d’usage de sorte que la question de l’imaginaire est désormais intégrée aux stratégies de puissance les plus élaborées...

D’autre part , la dimension littéraire, qui ne peut en réalité se dissocier de l’approche imaginariste, mais se situe à un autre niveau. Plusieurs domaines seront ici abordés, à commencer par la science-fiction qui explore selon des formes narratives originales et efficaces, utopiques ou dystopiques, les conséquences possibles des innovations technologiques, tente de donner un sens aux transformations en cours, et se trouve par là-même productrice de savoirs. De même , la littérature de science-fiction, voire plus largement la littérature, a aussi montré maintes fois qu’elle était capable d’imaginer et d’anticiper des développements technologiques majeurs, qui paraissaient impossibles à l’époque où ils ont été décrits. C’est donc bien comme un formidable « laboratoire d’idées » et un territoire pour des « expériences de pensée » que nous aborderons ici la littérature. Nous observerons également, comment ,au fil du temps, se développent de multiples échos entre les textes des « scientifiques » et ceux des « écrivains », des allusions, des références, une circulation des concepts et des signes et des allers-retours fréquents entre les deux sphères qui tissent l’intertexte du discours sur les sciences et les technologies et en nourrissent les idéologies.

On ne peut également aborder ces questions sans les ancrer dans l’espace des aires culturelles. L’universalisme des sciences est battu en brèche par les traits culturels des pays où elles voient le jour, et le phénomène va en s’accroissant dés lors qu’on passe aux technologies et plus encore aux usages de celles-ci. Le Nord-américain ne « voit » pas les choses comme l’Européen ou l’Asiatique (et il faudrait évidemment distinguer plus finement). Les recherches menées sur les représentations des sciences et des technologies dans le monde anglo-saxon, à comparer avec celles menées dans monde hispanique, et que d’autres devraient rejoindre vont dans ce sens.

Enfin, il est fondamental , dans cet axe de travail de réintégrer la dimension du religieux : les religions , en tant que systèmes de valeurs et de représentation du monde entretiennent une histoire complexe avec ces autres systèmes que sont les sciences . Mettre cette histoire en perspective fournira des clés précieuses pour saisir les ressorts de débats toujours présents.

Bien que ces approches paraissent toutes nécessaires, il est clair que le projet intellectuel de « l’axe 3 du cluster 14 » ne peut s’en tenir à leur simple juxtaposition : le dynamisme d’un cluster de recherche suppose un certain nombre de transversalités. Suite à l’avis général formulé par les expertises sur le cluster et après la journée de travail (10 mars ) avec son conseiller scientifique , ressort à la fois la nécessité d’un séminaire transversal interne à cet axe et des activités communes avec les autres axes.

En ce qui concerne le séminaire interne, celui-ci devra porter sur des thèmes fédérateurs (à valider par les équipes) , tels que :

- science- fiction, littérature, et « expériences de pensée »
- sciences, littérature et formation des idéologies
- à propos des conceptions de « l’humain » ou de « l’individu »
- les variations culturelles des sciences
- les représentations visuelles de la science, de la technologie et de leurs usages (aspect peu traité dans cet axe)
- etc...

Il d’ailleurs entendu, voire attendu, que des équipes travaillant sur d’autres axes du cluster puissent participer à ces séminaires .

En ce qui concerne le travail avec d’autres axes , les équipes de l’axe 3 pourront pour tout ou partie collaborer au séminaires transversal « Convergence » (notamment à partir des projets 1, 2, 5 et 6 ) et à « l’atelier nouvelles questions de la recherche ».